Journée Mondiale de sensibilisation à l’Albinisme : Maman et « SAM » de ses enfants
Margaux a trente ans, le teint et les yeux clairs, elle est enseignante dans une école spécialisée. Avec son conjoint, Sébastien, ils ont deux enfants Alexeï (5 ans) et Rosalie (2 ans), tous les deux sont albinos. Une maladie génétique rare 🧬 qui demande une attention de tous les jours. Entretien.
Quels sont les signaux qui t'ont mis la puce à l'oreille ? Et qui t’ont poussé à consulter ?
Concernant Alexeï, au départ nous n’avons rien remarqué de significatif… j'ai consulté mon pédiatre, une fois quand il était petit vers l’âge de 2 ans car il mettait son visage à quelques centimètres de sa feuille ou de son livre. Il n’a rien remarqué d’anormal : suivi oculaire normal et vision périphérique ok. Il n’y avait donc rien d’inquiétant à ce moment-là.
Par la suite, deux choses se sont enchainées. La visite médicale d’Alexeï qui a soulevé un trouble de la vision : il avait bien 10/10 à l’œil droit mais seulement 06/10 au gauche. Pour confirmer les résultats obtenus lors de la visite médicale ; j’ai pris par sécurité un rendez-vous chez un ophtalmologue 👁️ pédiatrique pour lequel nous avons eu environ 6 mois d’attente. Et, dans la foulée, Rosalie, après 6 mois de vie, présentait toujours un strabisme (avril 2022) et Sébastien avait l’impression de voir ses yeux 👁️ « vibrer » (ce qui s’appelle un « nystagmus », nous l’apprendrons plus tard). J’ai donc décidé de prendre Rosalie avec moi lors du rendez-vous chez l’ophtalmologue prévu pour Alexeï en mai 2022.
Rien qu’au regard de l’ophtalmologue, dans la salle d’attente, j’ai su qu’il y avait un problème. J’ai alors demandé qu’elle prenne Rosalie en priorité car Alexeï n’avait pas de symptôme « flagrant »… Elle a refusé et m’a dit qu’elle les prendrait tous les deux immédiatement en consultation.
Avec le recul, on s’est rendu compte qu’on avait remarqué beaucoup de choses mais nous n’aurions jamais pu faire le lien.
Par exemple, Alexeï se plaignait de la luminosité, il demandait souvent ses lunettes de soleil… A la naissance de Rosalie, à la maternité, les sage-femmes parlaient la rareté de la couleur d’yeux et de peau de nos deux enfants. D’ailleurs, un interne noir à l’hôpital où j’ai accouché s’est inquiété de la couleur de peau d’Alexeï (le taux d’albinisme dans la population noire est beaucoup plus élevé), mais à l’époque, le pédiatre l’a ignoré.
On surnomme Rosalie : « Luciole » car elle fixait les lumières sans cesse et elle tournait sur elle-même qui indiquait un léger retard moteur au niveau de l’acquisition de la marche.
Dans quelles circonstances as-tu reçu le diagnostic de tes enfants ? Quelle a été ta réaction ? Quelles infos a-t-eu reçues au moment du diagnostic ?
Concernant Rosalie, nous avons eu un premier diagnostic dans le bureau de l’ophtalmologue. Elle nous a annoncé un albinisme ; elle en était certaine à cause des signes comme la dépigmentation, la transillumination, l’absence de fovéa, le nystagmus, etc. Mais elle ne pouvait pas s’avancer sur le type d’albinisme ou sur un possible syndrome. Pour cela, on a dû attendre les résultats des tests 🧬 ADN. Elle a été très professionnelle et a essayé de nous rassurer concernant la déficience visuelle de notre fille en parlant des différents dispositifs existants (loupes, adaptation du matériel…).
Pour Alexeï, ça a été plus compliqué… L’ophtalmologue ne le pensait pas atteint car il ne présentait pas vraiment de symptômes en dehors de son besoin de porter des lunettes 👓 correctives. Elle nous a donc conseillé de faire un test 🧬 ADN.
Ensuite, j’ai pris un rendez-vous en dermatologie qui ne nous a pas été très utile si ce n’est que cela nous aura permis d’obtenir une consultation plus rapidement (en seulement un mois de délais) avec un généticien.
Lors du rendez-vous, il a accepté de tester Rosalie (et donc nous) mais pas Alexeï. Nous avons reçu les résultats en janvier, dans un courrier. Ensuite, un nouveau rendez-vous nous a été proposé durant lequel on nous a expliqué le côté « génétique » 🧬 de la maladie mais quand on a posé des questions sur le côté « pratique », nous avons eu comme simple réponse que ce n’était pas leur spécialité.
De plus, le service social n’a jamais répondu à notre demande d’aide. Lors de cette consultation, j’ai alors exigé qu’Alexeï soit également testé. Les résultats sont arrivés 6 mois plus tard pour lui ; le courrier n’étant jamais arrivé, nous avons eu la confirmation de but en blanc lors du second rendez-vous.
Actuellement, toutes les informations dont nous disposons, le suivi dont nos enfants bénéficient en centre de basse 👁️ vision, etc. est parce que nous avons nous-mêmes toqué à toutes les portes ! Sinon, nous n’aurions tout simplement rien reçu en dehors d’une explication scientifique sur la génétique.
Personnellement, l’acceptation ne fût pas compliquée… J’ai l’habitude du handicap et d’y être confrontée au quotidien mais j’ai ressenti une sorte « d’abandon » de la part du système de santé et social… Nous n’avons pas vraiment eu d’aide ou d’infos pratiques tant pour les enfants que pour nous en tant que parents face à cette situation.
En revanche, Sébastien a eu beaucoup de mal à accepter le handicap de nos enfants. Il a dû faire le deuil d’enfants « normaux » et a eu peur pour leur avenir aussi…
Quelles sont les répercussions sur leur santé ? Doivent-ils consulté régulièrement ?
Ils sont tous les deux déficients 👁️ visuels. La vision de Rosalie est plus basse (elle n’a que 2/10) que celle d’Alexeï (qui a 4/10 sans lunettes et 7/10 avec). Alexeï est chanceux car il voit vraiment bien mieux que la majorité des albinos ; leur vision est en général à un maximum de 4 ou 5/10, même avec correction. A noter que ses lunettes 👓 corrigent uniquement les troubles de la vision (myopie, astigmatisme…) et non la malformation de l’œil. Généralement, la correction ne fait pas gagner grand-chose en termes de vision (sauf pour Alexeï, visiblement). Ils sont aussi photophobes, c’est-à-dire qu’ils ont une forte sensibilité à la luminosité, trop de lumière leur provoque des maux de tête ou des douleurs au niveau des yeux.
Au niveau de la peau, ils doivent mettre de la crème solaire ☀️ en extérieur toutes les 2h ! La plus haute protection UV possible… A noter qu’en principe la crème solaire est assez toxique sur le long terme ; c’est pour ça que sur les tubes il est mentionné « à partir de 2ans », « application à court terme ».
Ils ont également une consultation chez le dermato 1 à 2 fois par an, un rendez-vous chez l’ophtalmologue 👁️ tous les 6 mois et kiné 1x semaine pour Rosalie où elle travaille la marche, le passage d’obstacles, elle renforce ses abdos... En plus, ils ont un suivi en centre de basse vision tous les deux, par période, ils alternent chacun à leur tour.
Pour le centre de basse vision (orthoptique), c’est un peu rock&roll car Alexeï voit trop bien ; en principe il faut maximum 3/10 pour bénéficier de ces soins. Il ne pourrait donc normalement, pas être suivi là-bas. Mais grâce à un test de QI, ils ont pu le prendre car les tests démontraient une atteinte au niveau de l’indice visuo-spatial. Il va donc, pour le moment, 1x semaine au centre de basse vision en rééducation. C’est chez eux que se font les tests pour les filtres médicaux ☀️ (protection UV).
Comment cela impacte ton quotidien en tant que parent ? Et le leur ?
Avoir deux enfants albinos, c’est chronophage et une charge mentale importante : il y a la crème solaire à mettre régulièrement mais aussi les rendez-vous, les trajets, les documents…
Financièrement, c’est un coût énorme aussi car il faut des vêtements adaptés, avec une qualité suffisante, des chapeaux, de la crème solaire… et aucune intervention financière n’est prévue pour ce type de soins. Les lunettes changent tous les ans et les prix varient de 300 à 500 euros par enfant, sans les filtres médicaux. Si on compte les filtres, sans la monture, les verres coûtent 720 euros (et ne s’utilisent qu’en extérieur). Donc, par enfant, rien que pour les 👓 lunettes, on tourne aux alentours de 1200 euros.
Le remboursement 💰 de la mutuelle est d’environ 300 euros par enfant pour les 👓 lunettes. Pas de remboursement pour tout le reste sauf les consultations, qui sont, en partie, remboursées mais, bien entendu, faut se battre pour y avoir droit avec une liste de documents sans fin ce qui alourdit la charge administrative.
On touche des allocations majorées 💰 uniquement pour Rosalie (elle a 8 points de handicap, juste en dessous des 9 donc pas de déduction fiscale ou d’aides supplémentaires octroyées). Je crois qu’on touche 150 euros en plus que les allocations classiques… Autant dire que la perte de salaire à la suite de mon passage à mi-temps n’est pas amortie du tout ! J’ai dû reprendre un temps plein mais que je n’ai pas su garder… C’était trop de pression avec les multiples rendez-vous pour les soins des enfants. Sébastien n’a pas non plus pu prendre le relais car il n’a pas droit à un congé - je ne me souviens plus des raisons avancées mais certains congés ont été supprimés et Rosalie n’a pas assez de points handicap. Les explications n’étaient pas claires, on a fini par laisser tomber…
C’est aussi une source d’angoisse car être déficient visuel, c’est dangereux dans le monde qui est le nôtre ! Par exemple, si les contrastes ne sont pas assez forts, ils peuvent rater une marche, en cas de distraction ou d’éblouissement, ils peuvent facilement se faire renverser par une voiture ou tomber dans un trou, un cours d’eau… C’est aussi une perte d’autonomie conséquentes puisque leurs déplacements sont par nature plus compliqués et ils ne pourront pas avoir de permis 🚗 de conduire.
Enfin, à cause de la crème solaire, certains enfants pointent Alexeï et Rosalie du doigt et l’appellent « fantôme », « fromage blanc »… Ce qui n’est jamais agréable au quotidien !

Résumé de l'article
Tags
- Bébé
- Symptôme
- Enfant
- Maladie rare
- Maladie génétique
- Signaux d'alerte
- Albinos
- Albinisme