La câlinothérapie : un toucher platonique source de bien-être
C’est dans son cabinet situé à Bruxelles dans une jolie maison qui s’apparente plutôt à une sorte de cocon réconfortant et chaleureux parsemé de coussins que nous a accueilli Madline de CalinoBXL pour nous parler de son métier de câlinothérapeute.
Peux-tu te présenter et présenter ton métier ?
Je m’appelle Madline et je suis câlinothérapeute. Le principe de la câlinothérapie est d’apporter une amélioration du bien-être physique et mental par le biais d’un contact tactile 🤝 qui va toujours être platonique, bienveillant et consenti.
Comment devient-on câlinothérapeute ? Quel parcours de vie t’a amenée à ce métier ?
Personnellement, c’est un de mes ex-compagnons qui m’a parlé de ce qu’on appelle les « cuddles parties » donc littéralement « fêtes avec des câlins » et je me souviens lui avoir dit : « Une fête où se fait des câlins ?! Je ne sais pas ce que c’est mais ça m’intéresse ! » et il se trouve qu’aux USA c’est un concept très sécurisé d’ateliers guidés. Par contre, je me suis renseignée et je n’en ai pas trouvé en Belgique donc j’ai décidé de commencer à en organiser moi-même, fin 2019. Le concept a bien fonctionné grâce au bouche-à-oreille et je me suis lancée de façon plus concrète en louant une salle tous les mois début 2020… Donc j’ai fait une séance et puis ce n'était plus trop le moment de se faire des câlins en groupe, la pandémie de COVID-19 😷 ayant frappé.
Dès lors, j’ai cherché de nouvelles idées pour pouvoir continuer à développer mon activité et je suis tombée sur un blog britannique qui traitait de la câlinothérapie 🤝 et qui proposait de s’inscrire à une formation en ligne plutôt théorique. Je n’avais « rien à perdre » et je m’étais dit que cela pouvait être intéressant de savoir exactement au niveau scientifique comment fonctionnait « un câlin » donc je m’y suis inscrite et c’était passionnant !
Maintenant, cela fait trois ans que je consulte ici à Bruxelles dans mon cabinet ou sur le lieu de vie des « câlinés » dans certains cas.
Quelles sont les formations s’il en existe ? Ce métier est-il reconnu en Belgique (et ailleurs dans le monde) ?
Actuellement, je travaille avec une super partenaire pour créer la première formation professionnelle dans le domaine en français car pour l’instant il n’existe que peu de ressources disponibles en français.
Cette formation abordera des aspects très pratiques, des aspects scientifiques dont il faut avoir connaissance, un volet sur « comment prendre soin de soi » pour ne pas se laisser absorber par ce que les gens amènent en séance… La formation sera disponible pour le dernier trimestre 2024. Elle se fera en ligne en « direct » pour être accessible à toute la francophonie et il y aura une partie « certifiante » qui se déroulera en présentiel à priori en Belgique et en France.
La formation abordera des aspects très pratiques, des aspects scientifiques dont il faut avoir connaissance... Elle se fera en ligne en « direct » pour être accessible à toute la francophonie et il y aura une partie « certifiante » qui se déroulera en présentiel en Belgique et en France. La première promotion de la formation débute le 5 novembre 2024. Toutes les informations sur la formation sont disponibles sur ecoledecalinotherapie.com.
Quels sont les bienfaits de cette pratique sur la santé physique/mentale ? Au final, qu’est-ce que ça fait un câlin ?
Le principe est assez simple : la peau est l’organe le plus large du corps ; partout sur notre peau, nous avons des récepteurs sensoriels. Le simple fait de toucher ces récepteurs enclenchent un grand nombre de choses au niveau de notre cerveau – après être passé par nos neurones et la moelle épinière.
Dans le cas d’un toucher 🤝 bienveillant, consenti et qu’on accepte, notre corps va alors sécréter différentes hormones comme l’ocytocine et la sérotonine qui font partie de ce qu’on appelle communément « les hormones du bonheur ». On sait que quand ces hormones-là sont sécrétées, il y a une amélioration globale du bien-être : on se détend, on se sent connecté, accepté par l’Autre…
Il y a aussi un impact secondaire qui est assez rigolo : quand on est stressé, il y a une sécrétion de cortisol qui est l’hormone du stress qui aura tendance à saboter notre système immunitaire or le fait d’être câliner va baisser le niveau de stress donc on peut considérer qu’il y a une hypothèse qu’avoir un contact physique agréable permet de préserver son système immunitaire 🚀 voire d’améliorer la santé.
À la fin, les gens qui viennent en séance sont tellement détendus, tellement relax… Ils planent sans avoir ingéré quoi que ce soit comme substance ; ce n’est que le résultat de leurs propres hormones qui leur procure un état de détente totale qui est super beau à voir.
Pour les personnes qui cherchent des informations scientifiques accessibles sur les bienfaits du toucher, je vous conseille de lire les livres de Tiffany Fields, une docteure psychologue-chercheuse américaine dont certains livres ont été traduits en français.
A qui s’adresse la câlinothérapie ? Quel type de public vient vers toi ?
La câlinothérapie s’adresse à toute personne qui en a envie, premièrement… Quel que soit son parcours, l’envie est le facteur principal.
Les gens qui viennent chez moi ont tous des parcours vraiment différents ; y en a qui viennent juste par curiosité ou parce qu’ils ont envie d’un câlin et il y en a qui viennent parce qu’ils ont une problématique.
J’ai également des personnes qui viennent vers moi car elles ont subi des traumatismes de nature sexuelle et qui ont besoin de réapprendre qu’on peut les toucher sans leur vouloir du mal et qui viennent faire une sorte de thérapie par l’exposition pour se désensibiliser.
Je fais aussi ce que je peux pour être la plus inclusive possible également vis-à-vis de personnes fragilisées ♿ ; je participe notamment au Salon EnVIE d’amour, pour le bien-être des personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie. Je fais mon possible pour être le plus accessible possible.
Malheureusement, mon local a des marches pour y accéder mais du coup pour les personnes qui sont PMR, on trouve des solutions. Si c’est à Bruxelles, je peux me déplacer et j’exerce également dans des centres de jour où se trouvent des personnes fragilisées et j’organise des ateliers ou des séances privées quand ce sont des lieux où ils vivent.
Il y a aussi quelques maisons de repos qui font appel à moi pour animer des ateliers collectifs ou éventuellement l’une ou l’autre séance individuelle parce que ça répond à un besoin et apporte des bénéfices fous à ce type de population car ils vivent, hélas, de façon encore plus importante, l’isolement.
Et se sentir connecté, apprécié par quelqu’un d’autre sans avoir l’impression qu’on « dégoute » la personne, c’est super important !
Comment se déroule une séance de câlinothérapie concrètement ? Y a-t-il des séances « types » en fonction du public qui vient vers toi ? Des « formules » ?
C’est toujours la même structure mais ça s’adapte au cas par cas. C’est-à-dire que ce soit ici à mon cabinet, en centre ou chez quelqu’un ♿ (PMR), le principe reste le même : la personne a reçu les conditions de service en amont de la séance, il est sensé les avoir lu et avant la séance on va en rediscuter et les signer comme ça la personne a vraiment compris le cadre sécurisé de la câlinothérapie, en quoi cela pouvait les aider ou pas donc les limites de cette pratique…
Avant la consultation, il y a toujours un appel téléphonique préalable (ou un visio ou en face-à-face si c’est trop compliqué) pour avoir une première prise de contact bien avant tout contact tactile.
Au début de la première séance, il y a systématiquement une demi-heure qui est consacrée à la 💬 discussion. Si j’ai une personne qui est mentalement déficiente – ce qui arrive régulièrement - en fonction de ses capacités, soit la personne parvient à s’exprimer et c’est très bien, soit la personne n’y arrive pas comme par exemple des autistes non-verbaux et qui n’ont pas d’autres moyens périphériques de communication et alors j’échange aussi avec l’aidant car elle connait bien la personne et dans ces cas-là que ce soit un aidant-proche ou un professionnel accompagnant, pour moi il est tout à fait ok que cette personne reste dans la pièce durant la séance… Ou alors s’ils ont envie de laisser de l’intimité au « câliné », ce que je propose c’est de se mettre dans la pièce d’à côté et la porte 🚪 reste entrouverte ; comme ça si la personne qui est dans mes bras élève la voix, l’aidant peut venir voir ce qui se passe… Ça ne s’est encore jamais produit dans le cadre de ma pratique mais je crois que dans certains cas, ça apaise.
Ensuite, on s’installe sur la banquette de mon cabinet par exemple et je sais déjà les endroits où les gens acceptent ou pas d’être touchés, j’ai abordé la notion de consentement durant le briefing et alors je demande toujours à la personne si elle a besoin d’y aller crescendo et de commencer avec très peu de contact 🤝 ou si on va direct sur du full-contact… Dans la plupart des cas, les gens préfèrent y aller crescendo et c’est très bien !
J’ai donc tout un tas de positions que je connais, différentes façons de toucher aussi avec les mains 🤝… Mais j’aime bien demander aussi aux gens s’ils ont une idée de ce qu’ils veulent faire parce que parfois les personnes ont une envie mais si je ne pose pas la question, ils n’oseront pas la formuler d’emblée.
Je dirais que 3 fois sur 10 quand même les gens s’endorment 😴 durant la séance (rires) et parfois les gens ont d’autres émotions et ça j’explique aussi en début de séance que c’est totalement OK, que les émotions sont les bienvenues.
J’ai des gens qui fondent en larmes 😥 dès que je les touche et bien c’est bien si c’est là l’émotion qui devait venir : je les accompagne dans ce moment-là, et à la fin en général ils sont zen et ça leur a fait du bien de pouvoir se détendre.
Je fais souvent le parallèle entre la câlinothérapie et une clé pour purger les radiateurs ! C’est-à-dire que parfois les gens viennent avec un trop plein d’émotions mais ils n’arrivent pas à craquer, à lâcher, alors qu’ils en auraient besoin. Dans ce cas-là, le contact tactile peut constituer une clé qui va débloquer ce qui est bloqué, et permettre de relâcher la pression… Les gens pleurent 😥 un bon coup et puis après ils se sentent beaucoup mieux.
Concernant les ateliers en groupe, comment ça se déroule ?
Pour les groupes, ce sont des ateliers à la fois pédagogiques et ludiques qui s’appellent « ateliers consentement & câlins » car sur les 3h d’atelier, environ un tiers est consacré à l’apprentissage du consentement : savoir ce que c’est, l’importance de demander avant, écouter sa propre réponse à l’intérieur de soi avant de répondre pour être « gentil ».
Progressivement, au cours des exercices sur le consentement, j’intègre du contact tactile 🤝 mais très crescendo ! Un atelier « câlin » c’est surtout pas : « tiens voilà des matelas, faites-vous des câlins mais n’oubliez pas que c’est platonique »… Ça ne serait pas du tout « safe », ce serait une catastrophe !
Les ateliers sont sécurisés et encadrés pour que tout le monde se sente le plus à l’aise possible et puisse profiter à la fin de l’atelier à fond des sécrétions hormonales… Au fur et à mesure des activités, on ajoute du contact tactile et avant chaque exercice, je rappelle toujours que chacun a le droit de dire si oui ou non il souhaite faire l’activité, qu’ils ont le droit d’exprimer leur consentement. Et à la fin, souvent, ça termine en un énorme câlin collectif pendant une trentaine de minutes où les gens forment un genre de « lasagne humaine » et c’est très mignon !
Y a-t-il une « charte » à respecter ? Comment met-on le cadre ?
Pour les séances individuelles, le document 📝 que j’utilise est basé sur la pratique anglaise et américaine de la câlinothérapie, il a été adapté pour convenir aux lois belges.
Pour les ateliers, il y a aussi des consignes à respecter pour que ce soit safe et que tout le monde se sente bien !
Y a-t-il des critères ou « vigilances » à avoir lorsqu’on souhaite faire appel à un câlinothérapeute ?
Actuellement, au niveau professionnel en termes de câlinothérapie uniquement, je pense être la seule en Belgique francophone à exercer en tant que câlinothérapeute.
J’insiste sur l’aspect professionnel car j’ai déjà vu des gens indiquer qu’ils pratiquent la câlinothérapie sans mentionner les éventuelles formations suivies et qui proposent d’autres services qui ne sont pas vraiment « platoniques »… Bien sûr, je n’ai rien contre les personnes qui proposent des services non-platoniques car, pour moi, l’épanouissement de vie affective et sexuelle est capital ; par contre la câlinothérapie ce n’est pas du tout ça ! Et donc si un prestataire propose ces deux types de pratiques, il vaut mieux être vigilant même si ce n’est pas un « red flag » (ndlr « drapeau rouge ») immédiat mais il vaut mieux s’assurer et se renseigner avant sur la formation de la personne par exemple.
Quelques questions pratico-pratiques : Quand ? Où ? Quel tarif pour bénéficier d’une séance de câlinothérapie ?
Quand : on voit ça ensemble !
J’ai conscience que les gens ont des horaires 🕰️ spécifiques, donc je conseille, en tous les cas dans un premier temps quand il y a vraiment un manque affectif, d’être plutôt régulier avec une séance tous les quinze jours ou tous les mois.
Je suis disponible sur plein de plages horaires différentes, mais surtout en semaine de 10 à environ 20h. Mais quand il n’y a pas d’autres solutions, on peut essayer de se voir le weekend. Et je peux également recevoir en urgence.
Pour les séances individuelles, c’est normalement chez moi, à mon cabinet 🏡 de Schaerbeek (Bruxelles) sauf si la personne a un handicap physique qui entrave sa mobilité alors on en discute et je peux éventuellement me déplacer (moyennant frais de déplacement).
En ce qui concerne les ateliers collectifs c’est à Bruxelles. Sauf si vous êtes une institution ou un groupe. Dans ce cas-là, je me déplace.
Mais que ce soit pour les séances individuelles de câlinothérapie ou les ateliers collectifs, je peux me déplacer vers les institutions ; simplement pour l’individuel, je demande qu’il y ait minimum trois personnes sur la journée car sinon c’est trop énergivore en termes de temps de trajet et ce n’est malheureusement pas rentable. Les ateliers sont adaptés au maximum pour correspondre au public de l’institution dans laquelle je me rends.
Au niveau du prix, je n’aime pas mon prix 💰 mais je n’ai pas le choix hélas puisque je travaille en tant qu’indépendante complémentaire via la SMART qui me donne un statut un peu spécifique et donc au niveau des charge, on me prélève 60% environ donc actuellement. Je travaille à 105€ de l’heure pour pouvoir gagner une quarantaine d’euros de l’heure pour moi mais je ne veux jamais que le tarif soit une raison de ne pas venir. On peut toujours en discuter, s’entendre sur une somme confortable pour le participant et convenir d’un échange de service par exemple.
Pour les ateliers, on est autour de 50€ mais il y a aussi toujours un tarif « social » 💰 où les gens paient une partie mais là aussi si jamais ce n’est pas possible, on peut toujours trouver une solution. Et il y a aussi un tarif “solidaire”, pour les gens qui peuvent se permettre de payer un peu plus.
Enfin, peux-tu nous parler d’un moment en tant que câlinothérapeute qui t’a vraiment rendue fière de faire ce métier et de câliner les gens ?
Il y a plusieurs souvenirs qui me viennent en tête… l’un des premiers moments qui me revient en tête, et qui revient à chaque fois quasiment en fin de séance, c’est la première fois où j’ai eu quelqu’un qui n’était pas un « ami d’un ami » et où je me suis vraiment rendue compte que les gens arrivent avec un visage et repartent avec un autre… Ils arrivent le visage stressé, ou occupé par les tracas quotidiens, et repartent sur un petit ⛅ nuage. C’est d’ailleurs depuis devenu un petit dicton !
Sinon y a deux souvenirs plus particuliers qui me reviennent. Je prends un plaisir fou à participer au salon organisé par l’AViQ pour le bien-être relationnel, affectif, amoureux et sexuel des personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie. Lors de mon premier salon, en 2022, je n’en mène pas large car je n’ai jamais dans ma vie été vraiment confrontée au handicap donc je marche un peu sur des œufs. Sur ce salon, je propose des mini-séances de câlins de 5 minutes pour les gens qui ont besoin de faire une pause et d’être câliné.
C’est la deuxième ou troisième personne qui vient me voir, c’est une jeune femme qui a un handicap mental modéré avec qui la communication se passe bien. A la fin de la séance, on se relève, on se reprend dans les bras et elle me dit : « je suis sûre que vous êtes la plus gentille personne du monde ». En grande sensible que je suis, je me suis isolée dans un coin de mon stand le temps d’essuyer quelques larmes et de m’en remettre !
Et lors d’un second salon, quelques années plus tard, en fin de journée, je suis fatiguée car ce sont des moments qui sont épanouissants mais vraiment crevants et là j’ai un groupe de 10 personnes en situation de handicap qui arrive alors que j’ai envie de partir… mais pas grave, je les reçois plaisir évidemment !
L’éducatrice me dit qu’elle en a certains dont elle n’est pas sûre qu’ils participeront mais au fur et à mesure, à force de voir leurs camarades prendre part à la séance, ils avaient tous envie d’avoir un câlin… y compris, un monsieur atteint de handicap mental assez lourd et un autisme profond et qui ne connecte pas vraiment avec les gens autour de lui, et est totalement non-verbal. L’éducatrice me dit qu’elle reste avec moi car il est possible qu’il réagisse vraiment mal à l’expérience… Et, à la fin des cinq minutes, elle était en pleurs car elle ne l’avait jamais vu comme ça ! Il était totalement détendu, il avait vraiment profité de sa séance et c’était merveilleux de le voir comme ça.
C’est tellement réconfortant, dans la pratique que j’exécute, de se dire qu’on peut arriver à créer du lien 🤝, avec une personne qui a ce type de profil, en le mettant de bonnes circonstances… C’est génial !
Pour avoir plus d’infos sur la câlinothérapie et profiter d’une séance individuelle ou organiser un atelier, vous pouvez prendre contact avec Madline de CalinoBXL via sa fiche sur le Réseau SAM, son site web (y compris pour vous inscrire à la formation en câlinothérapie développée par l’École de Câlinothérapie, la branche formation de CalinoBXL).

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