La dépression post-partum : bien au-delà du "baby-blues" !
La dépression post-partum touche en moyenne entre 15 et 20% des jeunes mamans. Selon une étude française, le suicide serait même la première cause de mortalité chez les femmes qui ont des enfants âgés de moins d'un an ! Un chiffre révélateur de l'impact de la dépression post-partum sur la santé mentale des mères. Alors comment reconnaitre les signaux d'alerte ? Ou s'il est trop tard pour agir en prévention... comment accompagner une jeune maman en dépression post-partum ? Le point sur ces questions avec Emeline Lucas, psychologue et psychothérapeute cognitivo-comportementale dans un centre spécialisé dans la prise en charge périnatale à Wemmel.
Tout d’abord, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est une dépression « post-partum » concrètement ?
La définition de la dépression post-partum c’est un état persistant d’anxiété et de dépression qui inclut au moins cinq de ces symptômes :
- ➡️ humeur dépressive
- ➡️ diminution marquée de l’intérêt et du plaisir
- ➡️ changement de l’appétit et du poids (prise ou perte)
- ➡️ troubles importants du sommeil
- ➡️ agitation ou ralentissement psychomoteur
- ➡️ baisse d’énergie
- ➡️ culpabilité exacerbée
- ➡️ difficulté de concentration
- ➡️ pensées de mort et idées suicidaires récurrentes
Concrètement, cela correspond à une maman qui se sent perpétuellement dépassée, pas à la hauteur, qui a du mal à prendre du plaisir avec son enfant, qui est en hypervigilance permanente (elle ne dort pas la nuit de peur qu’il arrive quelque chose au bébé ou de peur qu’il se réveille au moment où elle va s’endormir), et qui aimerait pouvoir fuir la situation (mettre fin à ses jours ou partir, faire que tout cela s’arrête).
Précisons, que cela n’a rien à voir avec l’amour qu’elle ressent pour son enfant, les deux ne sont pas liés, ce qui d’ailleurs augmente généralement le sentiment de culpabilité chez la mère. Et on parle ici d’un état qui dure dans le temps, pas d’un sentiment passager lors des journées les plus éprouvantes.
En quoi cela diffère de ce qu’on appelle le « baby blues » ?
Le baby-blues dure 15 jours maximum et apparaît dans les premiers jours après la naissance, il est lié au bouleversement hormonal et est très fréquent. Alors que la dépression post-partum dure plus longtemps et peut apparaître à n’importe quel moment dans la première année.
Quels sont les signaux d’alerte auxquels l’entourage peut être vigilant vis-à-vis d’une jeune maman ?
Une maman très angoissée, qui ne supporte plus les pleurs de son bébé, qui se sent en permanence incompétente, qui a peur d’être jugée, qui culpabilise énormément, qui est dans l’hypervigilance toujours à l’affût du moindre bruit de son bébé ou au contraire qui le regarde peu, établi peu de lien avec : ce sont des signes à ne pas négliger.
Engagez la conversation, demandez-lui comment elle vit cette période si bouleversante, et surtout laissez-la parler sans chercher à la conseiller dans un premier temps, pour qu’elle puisse se livrer pleinement.
Quelles sont les pistes pour guérir d’une dépression post-partum ? Qui peut-on consulter ?
Il y a plusieurs types de pistes à explorer pour accompagner une jeune maman dépressive, voici quelques-unes des solutions qui pourraient l'aider à se sentir mieux :
- ➡️Se sentir écouter et reconnue dans sa souffrance via les proches, amis, professionnels de santé ou groupe d’entraide (cercle de mamans par exemple).
- ➡️Obtenir de l’aide pour les tâches domestiques ou autres tâches pesantes pour la maman
- ➡️Visites à domicile par les sage-femmes, doulas, ou le personnel de l’ONE ou Kind en Gezin pour aider la mère pour les soins du bébé et lui faire (re)prendre confiance en elle
- ➡️Privilégier le lien avec le bébé le plus possible : aider à créer l’interaction, parler au bébé, portage, massage
- ➡️Traitements médicamenteux : antidépresseur (à savoir qu’il en existe certains compatibles avec l’allaitement), anxiolytiques. Le médecin généraliste ou le gynécologue peut vous les prescrire, il n’est pas obligatoire de passer par un psychiatre.
- ➡️Psychothérapie individuelle et/ou de couple
- ➡️S’assurer d’une alimentation saine pour reconstruire les ressources physiques de la maman, et si besoin passer par des compléments alimentaires (vitamine D, magnésium, fer) après validation par un médecin.
- Consulter un psychologue est toujours une bonne idée dans ce type de situation, mais commencez par en parler au professionnel avec qui vous vous sentez le plus en confiance (sage-femme, gynécologue, médecin généraliste, kinésithérapeute…), l’idée est que vous puissiez vous sentir entendue et prise en charge, même s’il ne s’agit pas d’un psychologue.
- Il est à noter que le taux de guérison est très élevé, d’autant plus si le diagnostic est précoce et le traitement approprié. Dans ce cas, une amélioration est visible en quelques mois.
Est-ce qu’une maman qui a déjà fait une dépression post-partum pour son premier enfant sera plus sujette à refaire une dépression lors d’une seconde naissance ?
D’après les études, oui, mais ce n’est pas une fatalité car l’expérience de la maternité est généralement très différente d’un enfant à l’autre, et on se sent souvent bien mieux armée et préparée à partir du second.
Quels sont vos conseils pour éviter de sombrer dans la dépression post-partum ?
Mobiliser au maximum les ressources autour de soi, ne pas avoir honte de demander de l’aide ou du relai simplement, s’entourer uniquement de personnes bienveillantes et à l’écoute (on met les autres à distance avec l’aide du co-parent si besoin), et normaliser le fait d’ajouter des « services » sur votre liste de naissance comme proposer aux proches/amis d’offrir 1h de repassage, de ménage, un petit plat livré à domicile devant la porte (sans rester pour autant), du babysitting pour pouvoir faire une sieste ou prendre une douche sans stress. Si vous êtes épuisée, sachez qu’il existe aussi des baby-sitters de nuit (voir le groupe Facebook « Les gardiennes de nuit ») qui peuvent prendre le relai, des doulas post-partum peuvent aussi venir à domicilier vous aider dans toutes les tâches du quotidien. Quand on a pas de proches à proximité, les aides professionnelles sont une vraie solution même si cela représente un investissement financier. C’est de loin le meilleur investissement que vous ferez pour préserver votre santé, celle de votre enfant par extension, et de votre famille car le couple est souvent mis à rude épreuve. Rappelons que le suicide est la première cause de mortalité chez les mères d’un enfant de moins d’un an (devant le cancer, les maladies cardio-vasculaires, etc…), la détresse des mères en post-partum est donc à prendre très au sérieux !

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